Marie-Noëlle, pourquoi avoir eu envie de créer l’Institut de Permaculture Appliquée aux Organisations?

Née dans une famille de jardiniers, j’ai commencé ma vie professionnelle par vingt ans dans le Marketing, dans des entreprises de plus en plus grandes, de plus en plus sophistiquées. J’ai adoré cette période! Ce qui m’a le plus passionnée dans ce métier, finalement c’est le management: accompagner et faire grandir, former, révéler les talents, fédérer des équipes autour de projets, les mener vers le succès, et parfois les accompagner dans l’échec. Cette période de ma vie n’a pas été de tout repos, la vie de cadre n’est pas que rose! Mener des projets qui ne se réalisent pas, affronter des querelles d’ego, se faire laminer par des stratégies de groupe incohérentes, sauver des équipes pour ensuite devoir les liquider… J’ai eu mon lot comme beaucoup d’autres. Alors un jour j’ai quitté l’autoroute pour les chemins de traverse, plus hasardeux mais ô combien joyeux et passionnants!
Des pionnières et des structurantes
J’ai créé et lancé un site de e-commerce pour vendre des plantes pour le jardin. Entreprendre était pour moi un vieux rêve d’étudiante, et le jardin mon paradis, ce fut un beau cadeau que je me suis fait, une aventure qui m’a transportée à la fois dans le monde du digital et celui des pépinières et des cultures.
En élaborant mon site et mes collections de plantes, j’ai cherché à les classer en fonction de ce qu’elle apportent à un jardinier et j’ai découvert leurs vies: certaines grimpent, d’autres rampent, certaines structurent un espace, apportent de l’ombre et protègent du vent, d’autres enrichissent le sol, d’autres encore protègent leurs voisines contre les ravageurs! Il y a aussi celles qui accueillent les insectes, qui permettent la pollinisation, ce sont souvent des variétés très naturelles, pas forcément les plus spectaculaires. Et celles que je préfère, c’est les pionnières bien sûr! Elles me font penser à certains managers que j’ai croisés en entreprise!
La seule façon d’envisager des cultures bio est systémique
Un client m’a posé la question suivante: « Est-ce que vos vivaces sont bio? » Au départ mes plantes étaient destinées au jardin d’ornement, mais il s’est progressivement mélangé au potager, à moins que ce ne soit l’inverse! C’est vrai que dès que l’on pense à cuisiner des fleurs il faut s’intéresser aux modes de culture, il a fallu refaire le chemin à l’envers! Je n’était pas juste responsable d’envoyer des plantes bien choisies en pépinière à des jardiniers, j’étais aussi responsable de leur qualité, je devais garantir leur origine! J’ai découvert que tout n’est pas simple, la nature est faite de très bonnes choses, et aussi de mauvaises herbes et de ravageurs, de tempêtes et de canicules, la seule façon d’envisager des cultures bio est systémique. C’est comme cela que j’ai découvert la permaculture.
Après avoir beaucoup observé et beaucoup lu, j’ai fait des essais dans mon jardin, à plusieurs endroits, avec différentes plantes… je ne peux pas dire que j’excelle dans toutes les cultures potagères, beaucoup de jeunes pousses ont été dévorées par les escargots!!! Il faut dire que je vis en ville, je ne peux pas toujours compter sur la faune qui habituellement se charge de réguler la population des mollusques! Par contre je comprend comment les plantes s’associent, dans mon jardin j’arrive à créer des micro climats, des zones humides et des zones sèches, j’alimente et j’utilise un compost…
J’explore, je teste, j’abandonne ce qui ne marche pas et je développe ce qui réussit, j’ai fait mien un principe majeur de Bill Mollison: « avec plutôt que contre« .
Du design en permaculture
En me formant au contact de praticiens lors d’un stage de permaculture, j’ai découvert à quel point les techniques utilisées se rapprochaient du Design Thinking. C’est le moment où j’ai lâché le marketing pour me consacrer à l’accompagnement à l’innovation et au développement auprès d’entreprises et de porteurs de projets entrepreneuriaux.
Le Design Thinking est une approche indispensable pour penser un projet au plus près de l’utilisateur, et c’est ce que propose la permaculture qui est avant tout une approche de design des cultures en fonction des besoins des habitants et des ressources de l’environnement, en recherchant et favorisant les énergies renouvelables. L’idée est de bien concevoir le système pour optimiser l’emploi et le renouvellement des ressources de façon à avoir ensuite le moins d’efforts à faire, comme le dit Bill Mollison: « le plus petit effort pour le plus grand changement! ».
Une philosophie de l’action
Progressivement j’ai intégré les principes et l’éthique de la permaculture dans mon action que ce soit au jardin ou dans le monde professionnel. Ce que j’aime dans cette approche, c’est qu’elle fait sens: respecter l’humain et la terre, partager les ressources, tout est dit et pourtant le chemin est long! Et comment faire pour que ces idées avancent? Il faut agir, produire, expérimenter, développer, initier.
La permaculture s’appuie sur de l’expérimentation et du concret; ses principes ne sont pas définitifs, ils s’adaptent aux contextes. Il y a d’ailleurs plusieurs écoles de permaculture, et autant de pratiques que de praticiens!
Mon objectif en utilisant l’approche de la permaculture appliquée aux organisations c’est précisément de les aider à agir, à produire, à designer des projets avec sens et pour des résultats.