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Obtenir une production

Cette semaine j’ai récolté des cassis et de la rhubarbe pour faire de la confiture…

Cueillir de petits fruits semble amusant quand on les attrape au passage pour les goûter, mais les récolter se révèle un peu plus difficile, physique, fatigant, surtout quand il fait très chaud!

Et quand j’ai eu fini j’ai aperçu derrière les framboises bien mûres qui attendaient leur tour… C’est toujours pareil, tout arrive en même temps!

La récolte n’est pas un résultat qui s’affiche tout seul

Le secret d’une bonne récolte c’est de la faire au bon moment, cueillir des fruits ni trop verts, ni trop mûrs, avant que les oiseaux ou les rongeurs ne les dévorent, attendre que le soleil les ait rendus plus gros et plus sucrés, agir avant que la pluie ne les gâche… Autant dire que c’est un job à part entière !

Dans nos organisations c’est pareil, un résultat n’est jamais acquis, jusqu’au dernier moment il faut aller le chercher, avec toute l’équipe, avec toutes nos énergies et tous nos talents. Qui n’a pas connu un projet qui s’arrête parce que personne n’a envie ou personne n’y croit plus, alors que l’entreprise a devant elle un boulevard pour réussir dans ce domaine ? La récolte n’est pas un résultat qui s’affiche tout seul ; la récolte est question de mobilisation.

Chercher à obtenir des résultats à chaque étape du projet

Obtenir une production dans un délai raisonnable : ne pas s’épuiser sans résultat visible pour tous. C’est le sens des « quick wins », c’est même important d’obtenir de premiers résultats, pour motiver l’équipe – et soi-même, pour visualiser les effets des efforts.

Pour mon jardin j’ai un projet de potager. J’ai dessiné un plan ambitieux avec une spirale de plantes aromatiques, des planches à légumes… Puis je me suis mise au travail, c’est à ce moment-là que j’ai découvert que, malgré mes observations et ma préparation, je n’avais pas tout prévu.

Il y a des endroits plus chauds, ou plus abrités, d’autres où les escargots sont plus nombreux, j’ai découvert de « mauvaises » herbes particulièrement tenaces parce que le sol leur convient parfaitement, j’ai remarqué qu’il n’y a pas d’oiseaux quand je suis là mais qu’ils arrivent pour se régaler dès que je suis partie – et cela n’arrivait pas tant qu’il n’y avait pas de récolte à « voler » …etc.  J’ai déjà désherbé plusieurs fois pour installer des salades, des radis… mais à chaque fois mes jeunes pousses sont dévorées dans la nuit!

Je dois améliorer mon installation et ma technique, une prochaine étape consistera à installer un potager légèrement surélevé, mais ce projet nécessite du temps et du matériel que je n’ai pas.

En attendant j’ai planté des petits fruitiers et je laisse pousser la rhubarbe, ce qui marche, et qui me donne le plaisir de belles récoltes, et de bonnes confitures !

Mon projet prend tournure, j’ai déjà des réalisations concrètes qui alimentent ma motivation et m’apprennent des choses que j’ignorais, j’avance et je prends confiance en dégustant mes framboises !

On ne peut pas travailler l’estomac vide 

David Holmgren, l’auteur des 12 principes de permaculture les plus connus, illustre ses principes avec des dictons. Celui qui illustre son troisième principe « obtenir une production » dit : « on ne peut pas travailler l’estomac vide ».

Cela veut dire qu’il faut s’alimenter en chemin, les projets ambitieux nécessitent une certaine flexibilité et de la créativité pour assurer la survie des porteurs en attendant  d’avoir accompli l’ensemble de la tâche.

Concrètement en entrepreneuriat cela signifie qu’avant d’avoir mis en place l’ensemble du projet, il faut trouver des moyens d’assurer son démarrage, rechercher l’autonomie autant que possible. Par exemple on peut livrer des premiers produits en version dégradée mais acceptable par le client, si possible sous forme de partenariat pour tester et améliorer progressivement la solution.

L’autonomie est importante car elle donne toute liberté pour prendre le temps de l’expérimentation. Paradoxalement, de nombreuses aventures entrepreneuriales ont démarré avec une activité « nourricière » qui a financé la mise au point d’une innovation dont le développement a progressivement pris toute la place jusqu’à en faire la principale source de résultat.

L’expérimentation permet de s’alimenter autant du point de vue physiologique que du point de vue technique. Elle entretient le dispositif en montrant ce qui doit être continué, amélioré ou évité, et à ce titre devient vecteur de créativité au contact des parties prenantes.

obtenir une production

Le travail prend son sens avec la récolte

Les premiers résultats agissent comme des récompenses qui encouragent et mobilisent l’équipe projet. Il est nécessaire de garder la connexion entre les efforts consentis et la production obtenue, et entre l’activité de production et la source de notre subsistance, d’où l’importance d’obtenir des résultats, mêmes petits, mêmes provisoires, de les mesurer, de les partager, de les fêter et de communiquer.

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Observer et interagir

Cas de la bienvoyante qui ne voit pas l’aveugle

Un aveugle s’avance sur le trottoir accompagné de son chien d’aveugle et équipé de sa canne blanche. Le handicap de cet homme est reconnaissable également à sa démarche et à son regard.

En sens inverse arrivent une femme âgée d’une bonne quarantaine d’années et sa fille adolescente, elles parlent ensemble et marchent d’un bon pas.

Ce qui arrive me choque et me surprend : la femme n’a pas vu l’aveugle et lui a foncé dessus ! Elle évite le choc frontal au dernier moment et s’écarte en l’insultant.

Je suis atterrée d’assister à un tel incident : il était impossible d’ignorer que cet homme était aveugle et pourtant …cette femme ne l’a pas regardé, ne l’a pas considéré et n’a même pas essayé de (le) comprendre puisqu’elle s’en tire en l’insultant. Elle s’attendait probablement à ce qu’il s’écarte sur son passage ?

Cette anecdote illustre le premier principe de permaculture de David Holmgren : observer et interagir.

Observer et interagir

L’observation est fondamentale avant toute action. En permaculture on passe beaucoup de temps à observer. Observer chaque élément de l’écosystème, à différents moments du jour ou de l’année, on dit souvent qu’il faut au moins un an pour comprendre un lieu et ses habitants, voire plus.

L’observation ce n’est pas seulement voir, c’est regarder, parfois autrement qu’avec les yeux, comprendre, ou essayer de comprendre, entrer en empathie avec son environnement et ses habitants, identifier les activités, les modes de fonctionnements, les points d’équilibre et de rupture.

Quand on observe on cherche à adopter d’autres points de vue que le sien afin de comprendre ce qui se passe pour les différents éléments du système.

La femme de mon histoire a dû voir l’aveugle, mais de son point de vue il aurait fallu qu’il s’écarte pour la laisser passer en continuant de parler à sa fille. Si elle avait adopté le point de vue de cet homme, elle aurait au moins repéré sa canne blanche et son chien, elle aurait compris qu’il ne pouvait pas se dérouter facilement pour la laisser passer et se serait écartée.

Dans ce cas précis l’accident a été évité, mais combien de fois avons-nous créé du désordre ou des accidents, petits ou grands, combien d’erreurs d’appréciation parce que nous n’avons observé notre environnement que de notre propre point de vue ?

Dans la nature il n’y a pas vraiment de handicap, il y a surtout des différences. Cela vaut la peine de prendre le temps de comprendre comment elle fonctionne pour y trouver sa place et contribuer à l’écosystème.

Interagir c’est prendre en compte ces différences et réfléchir à des solutions adaptées à chaque situation.

La permaculture est l’art de concevoir des écosystèmes en optimisant les interactions entre les éléments afin d’obtenir entre eux des synergies, dans l’objectif de rendre l’écosystème résilient et donc durable.

Et dans nos organisations?

Nous insistons sur le développement de la faculté de se mettre à la place de l’autre, ce qu’on appelle l’empathie, c’est aussi changer son point de vue, sa façon de regarder.

Analyser une problématique du point de vue de son collègue, de son client, de son collaborateur, de son partenaire, c’est souvent la moitié du chemin.

Nous proposons d’utiliser des outils comme la carte d’empathie, et l’observation sur le terrain, ce que certains appellent les learning expeditions, qui consistent à s’extraire du quotidien et prendre le temps d’aller à la rencontre des autres et de leur écosystème.

Selon les sujets nous pouvons aussi proposer des méthodes d’investigation proches du journalisme ou des techniques d’observation inspirées des anthropologues et des ethnographes, elles prennent plus de temps mais sont plus complètes et permettent de comprendre le contexte plus en profondeur. Sur des sujets sensibles, c’est parfois l’occasion de faire participer des collaborateurs à l’étude et d’enclencher une prise de conscience, de renforcer la motivation à agir.